QUI IGNORE LA BOURGOGNE MEURSAULT

Les vins capables d’un tel consensus sont rares. Tous les amoureux du vin gardent en corps, en cœur et en tête un souvenir de Meursault.

Il résonne chez moi comme la genèse de ma passion pour l’Accord Mets & Vins. Chaque rencontre gustative avec cette perle de la côte de Beaune ne fit qu’entretenir ce lien quasi « proustien ».

Au hasard d’une soirée passée seul dans l’appartement familial, à 14 ans, mes parents me laissèrent libre de composer mon dîner en puisant librement dans le réfrigérateur. L’adolescence est toujours ce moment de bascule entre l’enfance et l’âge adulte.

Avec cette irrépressible envie de faire comme les grands. Qu’à cela ne tienne ! En ouvrant grand la porte du frigo, je découvre une multitude de restes issus du dîner de la veille. Mais parmi les plats soigneusement emballés je repère une tranche épaisse de foie gras mi-cuit, avec sa couleur blonde aux reflets roses, les éclats de poivre sur son contour. Les contours pommelés d’une brioche bien dorée près du grille-pain crient leur évidence : j’ai trouvé mon repas. Après tout c’est la fête, les parents sont absents. En préparant le plateau, la soif se fait sentir et pourquoi ne pas me servir de cette bouteille entamée ?

J’étais là quand mes parents l’ont achetée aux Hospices de Beaune. Les cristaux à la base du bouchon brillaient comme des gemmes dans la pénombre. Amusé par mes yeux ébahis, le responsable proposa à mes parents de me faire goûter. J’avais 10ans. La richesse du vin me laissa un souvenir d’écureuil tant ce vin goutait la noisette. Je n’oublierai jamais ce Meursault.  Avec son étiquette armoriée, comme sortie d’un grimoire médiéval, elle évoquait à la fois souvenirs et fantasmes, tuiles scintillantes et chevaliers en armures. En tailleur sur le lit, la VHS déroulant « Excalibur », le couteau tranche d’épais morceaux de Foie Gras, posés sur la brioche toastée juste à point pour qu’elle ne sèche pas. Les dents du haut s’enfoncent dans la chair dense, alors que celles du bas ressentent le léger croustillant. D’une molaire sans complexe, je mâche ma tartine d’adulte que je rince d’une lampée bien sentie. La noisette, et ses propres notes de beurre se mêlent à la brioche et à la douceur du foie. Ma langue claque. En rondeur et fraîcheur, mon calice à la main je suis le roi.

Je comprends ce soir-là à quel point un vin peut sublimer la nourriture. Impossible de ne pas faire de Meursault mon point d’ancrage.

Meursault ! Quel joli mot ! Doux dans la bouche, c’est un baiser. On tend les lèvres pour le prononcer. Tout au long de ma carrière, j’en découvrirai les nuances, les subtilités au travers de ses climats (parcelles).

« Les vins se goûtent comme leur nom se dit est une phrase que je martèle quotidiennement et Meursault l’illustre parfaitement, y compris au travers du cadastre. Si on perçoit la douceur en prononçant Meursault, le cru Perrières est plus puissant, Genévrières plus gourmand, Charmes plus charmant et Les Tillets plus pointus.

Chacun accorderait souvent le vin sucré de sa région d’origine ou de référence pour l’accord sur le foie Gras mais à mon avis pour démarrer un repas, Meursault restera l’évidence même.

 Il faut l’avoir « tasté » comme disent les bourguignons car il méritera tout autant des accords sur les poissons nobles tout comme les viandes blanches qui ne l’effraient nullement.

Avec quelques années, une fois sa noisette, son beurre et son brioché révélés, porté par l’amplitude de son attaque et la fraicheur de sa finale, impossible que ses calcaires vous laissent de marbre.

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langlois
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